La Mosaïque, un art ancestral
Les traces les plus anciennes de revêtement mural s’apparentant à la mosaïque ont été trouvées en Mésopotamie et datent du IV et III siècles av. JC.
La mosaïque est née sous la forme de revêtement de sol en galets.
La naissance officielle de la mosaïque date de la période Gréco-Romaine de 400 av. J.C. à 400 ap. J.C
En Grèce
Utilisation de galets bicolores (noirs et blancs) ou tricolores (noirs, blancs et rouges), de 1 à 2 cm de longueur, enfoncés verticalement dans un lit de pose de mortier, formant un tapis à motifs géométriques, parfois cernés de plomb pour en souligner le dessin. Malgré une gamme de couleurs réduite, les motifs sont d’une grande finesse jouant avec les contrastes de couleurs, le jeu des ombres et lumières. Le fond est noir en général.
A l’origine, la mosaïque, “dallage lavable à grande eau” dans le vocabulaire grec, est un art fonctionnel, et joue le rôle d’un tapis. La mosaïque est alors un élément de la vie privée, mais sera rapidement utilisée dans les édifices publics.
L’invention de la mosaïque en tesselles est sans doute due à des mosaïstes grecs qui travaillaient à Alexandrie vers le IIIe siècle av. JC. Le plus ancien pavement en tesselles a été retrouvé en Sicile (Morgantina) et remonte à cette période. C’est ainsi qu’apparaissent les premiers opus avec pour unité de référence un cube de pierre taillé standard.
Les habitations avaient alors un sol en terre battue. Les plus riches et les nobles faisaient ainsi recouvrir le sol de leurs riches demeures de mosaïques, en opus tesselatum, avec des figures travaillées insérées au centre de vastes tapis à bordures géométriques : les emblemata.
Lorsque les tesselles sont de petites dimensions (< 1 cm) afin de se rapprocher de la peinture, on qualifie alors les mosaïques décoratives d’opus vermiculatum. Les thèmes tournent autour de scènes mythologiques, de natures mortes
L’empire Romain
Les Romains annexent la Grèce en 27 av. J.C. Qui devient ainsi une province romaine. Les Romains vont alors adopter et assimiler la culture grecque tout en créant leur propre style. Les Romains ont développé l’art de la mosaïque dans l’immensité de leur empire au point que la mosaïque de pavement est considérée comme un « ars romana » par excellence.
La mosaïque romaine présente une surface lisse et régulière, obtenue en utilisant des matériaux lithiques fixés perpendiculairement au plan, puis polis. Esthétiquement, la composition et la disposition des motifs représentés étaient conçues en tenant compte du fait que lorsqu’il marche sur ces mosaïques, l’observateur les regarde d’en haut, de près et sous des angles qui se modifient au fur et à mesure de ses déplacements dans un rayon de 360°. Étant donné les couleurs et la nature des matériaux employés, ainsi que la régularité de la surface obtenue, la lumière glisse sur ces mosaïques en accentuant une sorte d’aplatissement voulu.
Les quelques témoignages dont nous disposons attestent que dans l’Antiquité, les mosaïstes étaient organisés en groupes de travail itinérants qui exécutaient les travaux sur place à l’aide d’un outillage réduit (des martelines, des tranchets, une grande cuve permettant de préparer la chaux et de nombreuses tesselles). La division du travail était très organisée et à chaque fonction correspondait un rôle très précis au sein du groupe.
Mosaïque paléo-chrétienne : 300 – 500 ap. J.C.
Période qui s’étend de l’Édit de Constantin (313) aux premières invasions arabes (VII siècle).
Ce changement est ainsi lié à l’histoire et aux changements politiques et religieux. L’Empereur Constantin se convertit à la religion chrétienne. Par l’Edit de Milan (+303), il officialise la religion chrétienne. Il réunit les deux empires d’Orient et d’Occident et fait de Byzance sa nouvelle capitale en 330 ap. J.C., rebaptisée Constantinople.
Mosaïque Byzantine : 500 – 1500 ap. J.C.
Après l’Edit de Milan, les Chrétiens s’intègrent dans la société et la législation de l’Empire se christianise. L’Empereur devient un Dominus : un monarque aux pouvoirs divins. Tout ce qui le concerne devient sacré. L’art et donc la mosaïque sont basés sur la lumière et la dématérialisation de l’image. Tout prend une dimension métaphysique avec un langage de lumière et de couleur.
C’est avec l’art chrétien que la mosaïque passera des pavements aux murs et aux voûtes. La particularité du message exprimé et l’emploi de tesselles d’or et de verre concourent à susciter la grande révolution technique et esthétique tout d’abord de la mosaïque paléochrétienne puis de la mosaïque christiano-byzantine (Église de Sainte-Constance à Rome).
Les smalts sont introduits également massivement dans les mosaïques.
Rome, en proie aux attaques barbares et à la corruption, est délaissée au profit de Milan puis de Ravenne (402 – 751 ap. J.C.) : le pouvoir politique y est transféré. Rome demeure le siège universel de la Chrétienté
C’est à Ravenne, entre le V et le VI siècle, que la rencontre magique entre le délicat réalisme spirituel paléochrétien et le mysticisme chromatique de l’art byzantin naissant, revêtit d’or la victoire du Christ sur les ténèbres. Ainsi, certains des plus grands chefs d’œuvre de la mosaïque pariétale et de voûte sont presque toujours composés de tesselles d’émaux et d’or. La lumière et la couleur en sont des éléments dominants. (« Impératrice Théodora », « Les colombes se désaltérant », connues dans le monde entier, patrimoine culturel de l’Humanité).
C’est à Ravenne que l’on trouve le plus de mosaïques byzantines au monde mais c’est à Rome que l’on peut admirer l’évolution de la mosaïque comme contestation face au pouvoir de Byzance-Constantinople.
La mosaïque murale byzantine n’ayant jamais du répondre à des exigences fonctionnelles, formée de tesselles vitreuses volontairement enfoncées plus ou moins de biais par rapport au plan et non polies, pour mieux capter et réfracter la lumière. Les mosaïques sont conçues pour pouvoir être observées d’en bas et de loin, les modifications possibles de l’angle de vision n’excédant pas 180°. Du fait de la légère inclinaison de tesselles, de la nature des matériaux utilisés, la lumière est dans les mosaïques byzantines, une partie intégrante de l’œuvre et fait continuellement vibrer les surfaces. L’emploi de fonds d’or, à la place de fonds blancs de l’art antique, sera caractéristique de l’art byzantin (Basilique Sainte-Sophie – Istanbul, Basilique Saint-Marc – Venise).
Période iconoclaste : 726 – 843 ap. J.C.
Afin d’évoquer la foi et attiser la ferveur de la prière, au VIè siècle, des objets sacrés tels que des icônes sont produites à grande échelle par des monastères orthodoxes et vendus dans des boutiques, ce qui était considéré comme sacrilège par le pouvoir politique et le clergé, à la vue des revenus qu’un tel commerce leur rapportait et donc de l’autonomie. A partir de là, toute représentation du divin fût considéré comme blasphématoire et donc interdite. Les objets et icônes furent détruits. Les mosaïstes, désœuvrés et sans travail, fuirent en Occident.
De 840 à 1450 ap. J. C., de nouveaux critères et styles esthétiques apparaissent : les lignes organisent et créent les mouvements, les figures s’allongent : les andamenti structurent les créations. Les joints se resserrent et la pose devient plus régulière. L’incarnation du Christ s’humanise, à mi-chemin entre homme et divinité.
Pavements médiévaux
Pendant le Moyen-Age, églises et abbayes perpétuent la tradition de la mosaïque de pavement en créant des œuvres très originales, tant par leur technique d’exécution que par leur répertoire d’images. On peut admirer, dans un cadre de dessins géométriques, des scènes bibliques, des animaux fabuleux, des dragons et des scènes de légende, mêlés dans un univers suggestif et fantastique. Les matériaux utilisés sont en partie des marbres récupérés dans des édifices romains et en partie des matériaux plus pauvres que l »on pouvait trouver à proximité. Les tesselles atteignent parfois 4 cm de côté (Pavements du XIIe siècle de l’Abbaye de Ganagobie – France, Cathédrale d’Orante – Italie).
La Mosaïque à la Renaissance : 1200 – 1500 ap. J.C.
Les trois cités qui rayonnent au niveau culturel sur le monde sont Florence, Venise et Rome. Chacune a son style, son atelier-école. Des collisions entre ateliers pouvaient intervenir. Mais avec l’évolution technique des peintres (maîtrise de la perspective, des volumes), la mosaïque perd de son aura au détriment de la peinture.
La peinture pour éternité
La fin de l’art de la mosaïque byzantine coïncide avec le lent et long déclin de la mosaïque en tant qu’expression artistique spécifique et autonome. De 1300 à la fin de la première moitié du XIXe siècle, la mosaïque devient progressivement une technique au service de la peinture. Au XVIIIe, à Rome, des artistes ont réussi à reproduire en mosaïque les tableaux des grands maîtres avec une telle virtuosité qu’on ne peut se rendre compte qu’il s’agit de mosaïque qu’en les examinant de très près. C’est l’époque de ce qu’on appelle la « vraie peinture pour l’éternité » selon les paroles de Domenico Ghirlandio, qui si elle permet à la mosaïque de survivre, la reléguera en même temps à une fonction subordonnée et contre nature qui bloquera pendant des siècles l’évolution des aspects techniques et esthétiques qui lui sont propres. Ce tournant est illustré par le fait qu’à partir de 1425, la République de Venise engagera comme maîtres-mosaïstes des peintres florentins comme Paolo Uccello et Andrea del Castagno. L’intervention de ces grands maîtres contribuera à la naissance Venise d’une nouvelle école de mosaïque qui remplacera la précédente de tradition gréco-byzantine.
La Mosaïque Gothique : 1500 – 1800 ap. J.C.
Au XVI e, la collaboration du Titien avec la famille de mosaïstes-peintres Zuccato fera de Venise le centre de création en mosaïque.
Au XVIIe, Rome deviendra le centre de la production de mosaïques grâce à l’impulsion que le Vatican donnera à cet art. C’est ainsi que d’immenses mosaïques seront réalisées dans la Basilique Saint-Pierre, comme la Chapelle Clémentine, la Chapelle grégorienne et la coupole. C’est le pape Urbain VIII (1623 – 1644) qui donnera une impulsion à la mosaïque en tant que « peintre de pierre » en décidant de remplacer les tableaux sur toile de collections vaticanes, constamment menacées par l’humidité, par des copies en mosaïque. Ce gigantesque travail sera confié à un groupe de mosaïstes dirigé par Gian Battista Calandra.
Pendant tout le XIXe, stimulée par les papes qui se succéderont, l’activité des mosaïstes du Vatican se poursuivra en ce sens. Dans le même temps, une série d’innovations relatives aux matériaux employés contribuera à l’apogée de la « peinture de pierre » : les mosaïstes du Vatican vont disposer d’une palette de 15 000 couleurs pour leurs tesselles. Ils vont ainsi réaliser des productions presque parfaites ainsi que des mosaïques « miniatures » grâce notamment à Giacomo Raffaeli qui invente les « émaux filés » = fines baguettes obtenues en filant les émaux permettant d’obtenir des tesselles de section inférieure au millimètre. Cela donne naissance à un style dit mosaico minuto : très petites tesselles posées sans joint, recouvrant bijoux, tables, tabatières.
Au XIXe, Antonio Aguatti aurait inventé les « malmischiati » (mal mêlées), des baguettes composées de de plusieurs tonalités d’une même couleur, permettant ainsi d’avoir des gammes de nuances presque infinies.
Mosaïque Contemporaine : 1850 – 1900
Renaissance de l’art de la mosaïque :
C’est à partir de la seconde moitié du XIXe, que l’on assiste à une renaissance progressive de la mosaïque en tant qu’art monumental et en tant que création artistique. La rencontre entre Charles Garnier, architecte de l’Opéra de Paris (1862-1874) et le mosaïste italien Gian Domenico Facchina sera un des moments essentiels de cette renaissance.
Pour répondre aux exigences de coût et de temps imposées par Garnier, l’italien aura l’idée de créer une nouvelle technique de pose : au lieu de poser les tesselles une par une directement sur la surface à décorer, donc in situ, on effectue le travail en atelier en collant les tesselles à l’envers sur des supports carrés de papier sur lesquels le motif ornemental a été au préalablement divisé en sections. Une fois le travail terminé, les sections numérotées sont transportées sur place et posées sur un lit de ciment afin de recomposer le motif. Il ne reste plus qu’à décoller le papier posé sur la surface des tesselles à l’aide d’une brosse et d’eau pour que la mosaïque apparaisse. Le succès gagne ainsi la France et le monde entier. Des familles entières de mosaïstes italiens émigrent et ouvrent des ateliers dans le monde entier (Basilique du Sacré Cœur – Paris, Notre Dame de la Garde – Marseille, Parlement de Bucarest, Cathédrale Saint-Paul – Londres, Palais impérial – Postdam, Résidence Vanderbilt – New-York).
Les élèves de Facchina créèrent en 1922 une école professionnelle de mosaïque : la Scuola Mosaicisti del Friuli à Spilimbergo dans la région du Friul dont était originaire Facchina. Les professionnels issus de cette école sont des experts dans la création de sols dits « à la vénitienne » et ils continuent de nos jours à porter leur savoir faire musif dans le monde entier.
Au début du XXe, certains des grands créateurs qui ont révolutionné le monde de l’art et de l’architecture contemporaine ont intégré la mosaïque à leurs œuvres (Gustav Klimt -Palais Stoclet – Bruxelles, Antoni Gaudi – Basilique de la Sainte-Famille et le parc Güel – Barcelone). C’est dans ce cadre que la mosaïque s’impose comme un art majeur au cours de la première moitié de notre siècle.
C’est principalement au peintre italien Gino Severini (1883 – 1966) que l’on doit la naissance de la mosaïque en tant qu’expression autonome dans l’art contemporain, avec entre autres un groupe de maîtres-mosaïstes de Ravenne. Il crée avec ceux-ci » l’Ecole d’art italien » à Paris en 1952, formant ainsi la première génération de mosaïstes-créateurs.
D’autres de ses élèves formeront l’atelier de mosaïque au sein de l’école supérieur des Beaux-Arts de Paris, alors que d’autres encore retourneront à Ravenne pour former l’Instituto d’Arte per il Mosaico » spécialisé dans la copie et la restauration des mosaïques antiques.
La ville de Ravenne, riche de son patrimoine byzantin, devient patrimoine de l’Unesco en 1996 et met en place, entre autres, le Centre International de Documentation sur la Mosaïque.
Ainsi, Spilimbergo et Ravenne deviennent les deux centres mondiaux de la Mosaïque.
Depuis le XXè siècle, la mosaïque retrouve ses liens avec l’architecture avec des artistes réalisant des mosaïques de grandes dimensions recouvrant des façades d’immeubles ou des places : Miro sur l’avenue La Ramblas à Barcelone, Eppens et David Alfaro Siqueiros sur les façades d’universités à Mexico, Ecole de Spilimbergo sur les façades du stade olympique de Rome…
Depuis quelques années, la mosaïque revient sur le devant de la scène avec le courant de mosaïque contemporaine basé sur les matériaux historiques mais pas seulement, en sachant se référer aux andamenti classiques tout en s’en affranchissant. Les architectes d’intérieur redécouvrent cet art ancestral.
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